News · · 12 min de lecture

Et si un robot pouvait accompagner un enfant là où même ses parents ne peuvent aller ?

Première mondiale : un robot compagnon pour accompagner les enfants en radiothérapie. Quand la technologie prend soin de l'humain.

Et si un robot pouvait accompagner un enfant là où même ses parents ne peuvent aller ?

Quand on parle de radiothérapie, on pense souvent à des machines ultra-modernes, à des tirs précis contre le cancer.
Mais derrière la technique, il y a une scène silencieuse, répétée jour après jour : un enfant, seul, dans une pièce blindée...
Et si un petit robot pouvait être là, tout simplement, pour lui tenir compagnie ?


Radiothérapie : une rencontre quotidienne avec la solitude

Je ne sais pas si vous imaginez ce qu'est la radiothérapie.
En réalité, c’est un traitement où mon rôle en tant que médecin est de cibler très précisément les cellules du cancer, un peu comme un sniper de l'invisible.

Mais pour le patient c'est différent, c'est un rendez-vous quotidien.
Chaque jour, une séance de dix minutes, du lundi au vendredi, pendant un à deux mois.

Sur le moment, ça ne fait pas spécialement mal.
Mais au fil des jours, l'accumulation de rayons sur la même zone peut provoquer des brûlures, parfois légères, parfois très douloureuses.

Et surtout... il y a l’ambiance.

Vous imaginez une pièce complètement blindée : deux mètres de béton, dix centimètres de plomb dans tous les axes, pour stopper un faisceau aussi puissant qu’invisible.
On ferme la porte blindée. La machine s'allume. Et on tire le faisceau.

Une salle de radiothérapie - Crédits ICM

Et au milieu de tout ça, la personne est seule.

Un adulte peut déjà trouver ça difficile.
Alors imaginez un enfant.

La première fois où l’enfant est vraiment seul

Pendant tout son parcours de soin, l’enfant est accompagné :

Mais pour la radiothérapie, non, le faisceau est beaucoup trop puissant.

Pour la première fois, on doit dire à l’enfant :

"Là, tu vas devoir y aller tout seul."

Seul, dans un bunker.
Face à une machine qui impressionne.
Une machine qui, pour lui, pourrait faire mal.

Imaginez comment il vit ça.

La maladie le fait se sentir mal, la chimio le rend nauséeux et en plus on ajoute ça.
C'est vraiment terrible pour un enfant.

Charline, 5 ans, et les larmes sans fin

Parmi tous mes petits patients, il y avait Charline.
Charline avait cinq ans. Je m'en rappelle encore.

Son traitement a été extrêmement difficile.

Tous les jours, au lieu de passer quinze minutes pour sa séance, elle pleurait pendant une heure entière.

Une heure d’angoisse, tous les jours, pendant deux mois avec de grosses larmes.

Des larmes de la part de Charline bien sur,
Mais aussi de ses parents.
Et pour nous, soignants... une impuissance terrible (et quelques larmes aussi).

Moi, en tout cas, je me suis senti totalement impuissant.
Et ce sentiment-là... je l'ai gardé longtemps.

Un déclic inattendu, sous la pluie japonaise

Quelques temps plus tard, je pars au Japon (oui j'adore le Japon, j'en parle dans mon à propos si vous ne l'avez pas encore lu).

Et un jour, je me retrouve sous la pluie, il pleut des cordes.
Trempé, gelé, je me réfugie dans un magasin.

Et là, un petit robot s’avance.
Il me tend une serviette, avec un grand sourire.

Un robot.
Simplement un robot.

Et pourtant, à ce moment-là, ça m’a fait un bien fou.
Juste de voir que quelque chose, même artificiel, venait s’occuper de moi alors que j'en avais besoin.

C’est là que j’ai eu le déclic :

"Pourquoi il n’y aurait pas un robot pour accompagner les enfants en radiothérapie, là où personne d’autre ne peut aller ?"

Après tout, on envoie bien des robots dans des zones nucléaires, là où l’humain ne peut pas entrer.
Alors pourquoi pas dans une pièce de radiothérapie ?

Et si, en plus, il pouvait être mignon...
Parce qu'accompagner un enfant avec une gros robot froid et métallique, ce n'est pas franchement l'idéal...

À la recherche du compagnon idéal

De retour en France, je me mets donc en quête de trouver LE robot.

Je me forme à la robotique en ligne.
Je regarde des dizaines de vidéos YouTube, des formations.
J’apprends, je teste... mais bon, soyons honnêtes, je ne suis pas un génie et mon temps est limité. Donc, je passe à autre chose.

Alors je contacte le LIRMM, le laboratoire de robotique de Montpellier.

Ils aiment l'idée.
Mais ils me répondent très vite :

"C’est possible, mais il faut 5 millions d’euros et 5 ans de développement pour ça."

Bon, comme je n'ai ni l'un ni l'autre, je passe à autre chose.

Je poursuis mes recherches.
Je fouille, je scrute, je lis.

Et puis un jour, je tombe sur un article :
Miroki, un petit robot pensé pour faire de la logistique en milieu hospitalier.

Miroki à ses débuts

Pas une machine industrielle.
Un robot mignon, adapté aux espaces sociaux, dessiné pour ne pas détonner dans les couloirs pleins de vie et qui raconte une histoire, son histoire.

Je suis fan.

Au culot, j'écris à l'un des fondateurs du robot, Samuel Benveniste et je lui raconte mon projet.
Je lui parle de Charline.

Et là, son enthousiasme est immédiat :

"On vous suit. C’est exactement pour ça que notre robot doit exister."

Le robot du cœur : un élan collectif

Mais il fallait quand même financer l'achat de Miroki.

Alors on a lancé une levée de fonds.
Pas auprès de grands investisseurs.
Non.

Auprès des gens.

Des petits dons. Des familles. Des retraités. Des anonymes.
Des pièces de vie, de l'argent donné de bon cœur, parfois par des personnes qui avaient elles-mêmes traversé l’épreuve du cancer.

Avec Sandrine Moustardier, une maman qui a perdu sa fille et qui consacre sa vie à aider d'autres familles, on a mobilisé toutes les énergies.

Et peu à peu, l’impossible est devenu possible.

C’est pour ça qu’on l’a appelé le robot du cœur.
Parce qu'il est vraiment né d’un élan du cœur collectif.

Bon, ok… On a le robot. Et maintenant ?

Il a fallu structurer.
Parce que je ne veux pas en faire une jolie anecdote.
Je veux aller loin.

On parle quand même d’une première mondiale :
Personne, jusqu’ici, n’a jamais mis un robot humanoïde social dans le contexte de la radiothérapie pédiatrique.

Alors, on ne pouvait pas faire les choses à moitié.

Penser plus large que la technique

Je voulais qu’on prenne du recul.
Qu’on pense l’impact de ce robot, au-delà de la simple présence.

Pas juste "est-ce qu’il est mignon ?"
Mais :

Alors on a décidé d’étudier, en profondeur :

Et là, je précise (parce qu’on me le demande souvent avec un petit sourire) :

Non. Le robot ne prend la place de personne. 😊
Il entre simplement là où plus personne ne peut aller.

Une équipe transdisciplinaire… qui n’existait pas

Pour ça, j’ai eu la chance d’être à l’Institut du Cancer de Montpellier et son directeur le Pr Marc Ychou qui a cru en mon projet.

J'ai pu bénéficié de l'expertise de nombreuses personnes dont celles du SIRIC – le Site de Recherche Intégrée sur le Cancer, dirigé par le Pr David Azria, qui est aussi mon chef de service.

Avec le SIRIC, on a pu faire ce qui me tenait à cœur :
créer une vraie équipe. Une équipe de A à Z.

Une partie de l'équipe de radiothérapie de l'ICM

Pas juste des ingénieurs ou des médecins.
Mais des chercheurs en psychologie, en anthropologie, en sociologie du soin, en robotique sociale.

On a relié des mondes qui se croisent rarement.

Et comme toute idée a besoin d’alliés…

Une vision, aussi belle soit-elle, ne suffit pas.

Il a donc fallu chercher du soutien.
Le fond de dotation ALTRAD Solidarity a répondu présent, convaincu par l’impact humain du projet.

Et puis, il y a eu une belle surprise :
Laeticia Hallyday.

Elle a découvert Miroki, elle a été touchée.
Elle a accepté de devenir la marraine du robot du cœur.

Un immense merci à Sandrine Moustardier et Laeticia Hallyday dans ce projet

Une présence de plus autour de lui.
Une voix engagée, pour porter plus loin celle du projet.

Et nous voilà partis pour une grande aventure.

Première étape : la sécurité

Avant de mettre un enfant seul avec un robot, il a fallu s'assurer de plein de choses.

Vérifier que le robot résiste aux rayonnements.
Qu’il ne renvoie pas de dose parasite sur l’enfant.
Qu’il ne perturbe pas les machines médicales.

Tous les tests ont été passés avec succès.

Alors on a pu aller plus loin : créer un vrai parcours de soin, autour du robot.

Une nouvelle manière d’accompagner

Pour cela, j'ai imaginé un nouveau parcours de soin en quatre étapes :

  1. Avant la consultation : l’enfant découvre le robot en vidéo, de manière ludique et interactive.
  2. Le jour de la consultation : il rencontre pour la première fois Miroki, en vrai.
  3. Pendant la préparation : le robot l’accompagne au scanner, dans les couloirs, sous la machine.
  4. Bientôt dans la salle : une fois toutes les autorisations obtenues, le robot pourra être présent pendant la séance elle-même.

Bientôt les premiers essais "pour de vrai"

On va bientôt commencer les tests en conditions réelles.

Je suis très fier du travail accompli par tous pour en arriver là et je pense que ça va être incroyable.

Je crois que le robot va absorber une partie du stress de l'enfant, des parents et aussi des soignants, sans jamais le renvoyer. C'est ça sa force silencieuse.

Est ce que ça va marcher ? Est ce que ce sera concluant ?

Je le crois.

Mais en tout cas l'aventure s'avère passionnante.

C'est parti !

En somme

Le robot du cœur ne soigne pas le cancer.

Mais il soigne autre chose :
La solitude.
La peur.
La sensation d’abandon.

Il prend soin, là où l’humain ne peut pas aller.

Et c’est peut-être l’une des plus belles façons d’utiliser la technologie :
non pas pour remplacer l’humain, mais pour prolonger sa main.

Ce robot, ce n’est pas juste un gadget de science-fiction dans un hôpital.

C’est une expérience humaine, sociale, émotionnelle.
Une exploration de ce que la technologie peut vraiment apporter au soin, quand elle est pensée par et pour les humains.

133 000 enfants reçoivent une radiothérapie chaque année dans le monde.
Si chacun d’eux pouvait avoir, à ses côtés, une présence, un sourire, une main tendue – même robotique...

Alors oui, on aurait fait un pas immense.

Et ce ne serait que le début...

Avant de partir

J'espère que l'histoire de mon projet vous aura plu et que j'aurai réussi à réveiller, pour quelques minutes, votre âme d'enfant qui sait que tout est possible.

Avant de partir n'hésitez pas à consulter la foire aux questions plus bas ainsi que la galerie photos pour vous rendre compte de cette aventure incroyable.

Vous pouvez aussi vous inscrire sur le site pour être mis au courant de l'avancée du projet et de mes autres réflexions. Ca se passe dans l'onglet "Rejoindre".

FAQ

Voici une réponse aux questions que l'on me pose le plus souvent sur le projet :

1. Pourquoi les enfants doivent-ils être seuls pendant la radiothérapie ?

Le faisceau utilisé est trop puissant pour que quiconque, même les parents, puisse rester dans la salle. Contrairement à d'autres soins, l'enfant se retrouve donc seul dans une pièce blindée, ce qui peut être très angoissant, surtout pour les plus jeunes.

2. En quoi la radiothérapie est-elle particulièrement difficile pour les enfants ?
Outre les effets secondaires physiques, c’est la solitude, la peur de la machine et l’ambiance impersonnelle du traitement qui marquent profondément les enfants. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’on leur dit : “Tu dois y aller seul.”

3. Comment est née l’idée du robot compagnon ?
L’idée est venue après une expérience au Japon, lorsqu’un petit robot m'a simplement tendu une serviette alors que j'avais pris la pluie. Ce geste a déclenché un déclic : si un robot peut offrir un peu de réconfort, pourquoi ne pas l’imaginer aux côtés des enfants en radiothérapie ?

4. Quel est ce robot, concrètement ?
Il s’appelle Miroki, un petit robot humanoïde conçu à l’origine pour la logistique hospitalière. Il est doux, mignon, adapté aux environnements humains, et surtout, il peut créer une relation de proximité émotionnelle avec les enfants. Il a été créé par une startup française, Enchanted Tools.

5. Ce robot remplace-t-il le personnel soignant ?
Non, absolument pas. Il ne prend la place de personne. Il intervient uniquement là où les humains ne peuvent pas aller physiquement. Il prolonge la main humaine dans un espace inaccessible autrement.

6. Comment le projet a-t-il été financé ?
Grâce à une levée de fonds citoyenne : familles, retraités, anciens patients... Des dizaines de petits dons ont permis d’acheter le robot. C’est un projet profondément humain, né d’un élan collectif.

7. Le robot est-il sûr à utiliser pendant une séance de radiothérapie ?
Oui. De nombreux tests ont été réalisés pour vérifier qu’il ne perturbe pas les machines, ne renvoie pas de doses parasites, et résiste aux rayonnements. Tout a été validé avant de passer à l’étape suivante.

8. Que devient le lien entre l’enfant et le robot après la fin du traitement ?
C’est une question que l'équipe explore activement. L’accompagnement prévoit un "au revoir" symbolique, pour aider l’enfant à transformer son attachement en souvenir positif, sans blessure d’abandon.

9. Comment les parents vivent-ils la présence du robot ?
Pour beaucoup de parents, Miroki est perçu comme un soutien précieux. Il apaise non seulement l’enfant, mais aussi la culpabilité et l’impuissance que les parents peuvent ressentir face à la souffrance de leur enfant.

10. Pourquoi avoir choisi un robot plutôt qu'un simple doudou ou un objet familier ?
Parce qu’un robot est vivant dans son comportement : il regarde, bouge, répond. Il crée un véritable échange affectif, bien plus puissant qu’un objet inerte.

11. Quel est le rôle exact du robot dans le parcours de soin ?
Il accompagne l’enfant tout au long de son parcours :

12. Une telle relation entre enfant et robot, est-ce sain ?
C’est justement ce que l’équipe veut comprendre et encadrer. Une équipe transdisciplinaire (psychologues, sociologues, anthropologues, roboticiens...) a été créée pour étudier l’impact émotionnel, social et symbolique de cette relation.

13. Ce projet est-il unique ? Va-t-il se développer ailleurs ?
C’est une première mondiale. Aucun robot humanoïde social n’avait jamais été intégré en radiothérapie pédiatrique. Si les résultats sont concluants, l’objectif est clairement de le diffuser à plus grande échelle, pour accompagner tous les enfants concernés chaque année dans le monde.

14. Peut-on soutenir ou aider ce projet aujourd'hui ?
Oui, toute aide, que ce soit en dons, en relais médiatique ou en engagement bénévole est précieuse. L’aventure du robot du cœur est collective, et chaque soutien compte pour lui donner de l’élan.

Galerie de photos

Voici une petite sélection de photos pour vous mettre dans l'ambiance 😊